N’est pas « feta » qui veut…

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Véritable star de nos salades d’été, la Feta a récemment fait l’objet d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Cette affaire opposait la Commission européenne, soutenue par la Grèce et Chypre, et le Danemark, lequel utilisait la dénomination « Feta » (ou encore « Feta danoise » et « fromage Feta danois ») pour un fromage produit sur son territoire, à partir de lait de vache principalement, qu’il exportait ensuite vers des pays tiers à l’Union européenne.

Pourtant, depuis 2002, la dénomination « Feta » est enregistrée en tant qu’Appellation d’Origine Protégée (AOP), ce qui limite la production de ce fromage à certaines régions de la Grèce (Grèce continentale et département de Lesbos), sous réserve de respecter un cahier des charges précis : le lait servant à l’élaboration de ce fromage doit provenir de brebis et chèvres de races locales élevées traditionnellement et dont l’alimentation doit impérativement se fonder sur la flore présente dans les aires de pâturage des régions éligibles.

Ainsi, seul un fromage produit dans ces régions de Grèce, et respectant le cahier des charges de cette AOP, pourra porter la dénomination « Feta ».

Le Danemark considère toutefois que le règlement (UE) n°1151/2012 du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité européens (AOP, IGP, STG), ne s’applique qu’aux produits vendus sur le territoire de l’Union et, n’interdirait donc pas à des entreprises danoises d’utiliser la dénomination « Feta » pour désigner du fromage danois exporté vers des pays tiers – hors frontières de l’UE donc – où cette dénomination n’est pas protégée.

La CJUE n’a pas suivi cet avis et a donné raison à la Commission dans sa décision du 14 juillet 2022 (C‑159/20), en indiquant que l’utilisation de la dénomination « Feta » pour du fromage danois porte atteinte au droit de propriété intellectuelle que constitue cette AOP, et à l’objectif poursuivi par le règlement, qui est d’assurer des revenus équitables aux produits et de fournir aux consommateurs des informations claires sur les propriétés du produits lui conférant une valeur ajoutée. Et cela, « même si ces produits sont destinés à être exportés vers des pays tiers ».

La Cour indique à cet égard que le règlement (UE) n°1151/2012 interdit également l’utilisation d’une dénomination enregistrée pour désigner des produits non couverts par l’enregistrement qui sont fabriqués dans l’Union et destinés à être exportés vers des pays tiers.

Pour mémoire, ce n’est pas la première fois que l’AOP Feta fait l’objet d’une décision devant la CJUE. En 2005 déjà, le Danemark, l’Allemagne et la France, avaient sollicité l’annulation de l’AOP, au motif que cette dénomination était utilisée depuis longtemps par d’autres pays que la Grèce. Toutefois la Cour avait rappelé que les « feta » produites ailleurs qu’en Grèce n’en font pas un nom générique, et que la production de « feta » au lait de vache revenait à « induire le consommateur en erreur ».

Ce nouvel arrêt met donc fin à la bataille qui opposent depuis plusieurs années le Danemark et la Grèce au sujet de la feta. Les producteurs danois devront cesser toute utilisation de ce terme pour leurs fromages, qu’ils soient, ou non, destinés à des pays tiers.

 

Anaïs GREFFOZ, juriste en propriété intellectuelle chez Mark & Law