Bien que le sujet du métavers ne soit pas nouveau, depuis l’annonce de Mark Zuckerberg en octobre dernier, sur sa volonté de construire un métavers qui permettrait aux personnes de se connecter et de développer des entreprises, ce « nouveau monde » a suscité l’intérêt de nombreuses sociétés qui y voit un moyen supplémentaire de visibilité pour leurs opérations marketing et commerciales.
Les premières affaires concernant l’utilisation non autorisée de marques dans ce monde alternatif virtuel ont rapidement vu le jour, et notamment en janvier dernier entre la célèbre Maison de luxe Hermès et l’artiste américain Mason Rothschild qui s’est inspiré des sacs Birkin pour créer et vendre des objets numériques dans le métavers.
Si Hermès est l’une des premières sociétés à avoir pris des mesures contre l’utilisation non autorisée de ses marques dans le monde virtuel, il y a fort à parier que des affaires similaires suivront à mesure que le métavers continuera de se développer. Cela pousse les entreprises à se questionner sur la protection de leurs marques au sein de ce monde virtuel : Est-ce que ma marque, déposée en France pour des produits et services du monde réel, me protège contre les usages non autorisés réalisés dans le métavers ?
Revenons ensemble sur les principes fondamentaux qui régissent le droit des marques dans le monde réel et dont l’application au métavers peut présenter des difficultés.
→ En vertu du principe de spécialité, une marque n’est protégée que pour les produits et services couverts lors du dépôt. Appliqué au métavers, la question est donc de savoir si les produits et services « réels » pourraient être considérés comme similaires à leurs équivalents virtuels.
Certains considèrent que les produits virtuels ne sont autres que des données informatiques sur un écran, nécessitant alors de faire l’objet d’un dépôt visant spécifiquement à protéger la marque pour une utilisation dans le métavers ; comme en atteste les nombreuses demandes de dépôts aux Etats-Unis, notamment en classes 9 (pour des logiciels, ou encore des biens virtuels téléchargeables – comme des chaussures virtuelles par exemple), 28 (pour des jeux vidéo), 35 (pour des services de distribution ou de vente de produits virtuels), ou encore 41 (pour des services de divertissement sous la forme de fourniture de biens virtuels – comme des vêtements par exemple).
Il serait pourtant aisé de considérer que des vêtements dans le monde virtuel, destinés à personnaliser un avatar, remplissent la même fonction esthétique, que des vêtements dans le monde réel. Partant, la désignation de la classe 25 à laquelle appartiennent les vêtements serait suffisante.
Pour éviter tout risque, et dans la mesure où il n’y a pas encore de jurisprudence en la matière, il est donc recommandé aux entreprises de diversifier leurs stratégies de protection en couvrant également des classes de produits et services liées à ces environnements virtuels.
→ En vertu du principe de territorialité, une marque est protégée uniquement sur le territoire sur lequel elle est enregistrée. Le métavers étant un univers à part entière, accessible par les utilisateurs dans le monde entier, il peut sembler délicat de rapprocher le principe de territorialité avec ce monde « sans frontière ».
Une solution semblable à celle adoptée en cas d’atteinte aux marques sur Internet pourrait être retenue, en vertu de laquelle l’acte de contrefaçon d’une marque française est constitué dès lors qu’un faisceau d’indices démontre que l’auteur de ces actes a cherché à diriger son activité vers le territoire/l’utilisateur français.
Toutefois, cette question est loin d’être évidente dans la mesure où, contrairement à un site web, le métavers ne fait, a priori, pas de différence entre les territoires des utilisateurs.
Le développement du métavers soulèvent donc des problématiques intéressantes pour l’avenir du droit des marques.
Cette évolution des technologies numériques pousse les professionnels du droit à s’adapter afin d’assurer une sécurité juridique optimale pour les différents acteurs de l’innovation. porte une attention permanente à ces sujets.
− Anaïs GREFFOZ, juriste en propriété intellectuelle chez Mark & Law