Le tournoi de Roland-Garros ne débute qu’en mai et la Fédération Française de Tennis recrute déjà un juriste pour, entre autres, lutter contre “l’ambush marketing“, ou marketing d’embuscade.
Ce type de marketing, en équilibre entre provocation et illégalité, consiste pour une entreprise à associer son image à la notoriété d’un événement officiel d’ampleur (souvent sportif : JO, Coupe du Monde de Football…) ou à la campagne publicitaire massive d’un concurrent, ce sans autorisation, sans payer les droits du sponsoring officiel de l’événement, ou sans payer une campagne publicitaire aussi massive. En clair : se placer dans le sillage d’un événement connu du public pour bénéficier des retombées publicitaires sans les payer, s’associer à un événement médiatisé aimé des consommateurs, et créer une confusion, voire supplanter le sponsor officiel dans l’esprit des consommateurs.
Exemples :
– La carte American Express qui, avant les JO de Barcelone de 1992, diffuse son slogan “Pour aller en Espagne, il vous faut un passeport mais pas un Visa“, ce qui en plus répond à son concurrent Visa, sponsor officiel des JO, qui l’avait un peu malmené publicitairement lors des précédents JO à Albertville.
– Le groupe de lingerie DIM qui a placé dans les tribunes de la Coupe du Monde de Rugby 2007 des groupes de supportrices (dés)habillées par la marque, filmées par les caméras retransmettant la Coupe aux 14,5 millions de téléspectateurs. Contrairement à ces derniers l’International Rugby Board a modérément apprécié.
– Usain BOLT qui a arboré ses chaussures dorées Puma aux JO 2016, alors que le sponsor officiel des Jeux était Nike. Une campagne gratuite pour Puma sur les réseaux sociaux (embuscade de mécénat).
– Apple a lancé en 2011 son iPhone 4S, très attendu par les fans. Samsung a alors aussitôt construit un pop-up store à côté du magasin Apple situé à Sydney (Australie).
– Le jeu d’échecs des constructeurs allemands AUDI et BMW, via l’affichage urbain de Los Angeles (Etats-Unis) : au final succès publicitaire pour les deux sociétés et buzz maximal auquel les internautes ont participé via les réseaux sociaux :
Audi titille : | Puis relance… | |
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BMW lui fait échec et mat :
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Et met un coup final “game over” via sa Formule 1 : |
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Les limites du jeu :
• L’ambush marketing ne doit pas attaquer frontalement les droits des organisateurs et sponsors de l’événement.
• Il ne doit pas utiliser des mots en lien tels que Sponsor, Partenaire, Supporter, ou des marques, symboles, termes liés à l’événement.
C’est ainsi qu’en 2014, l’équipementier Le Coq Sportif a payé 100 000 € de dommages et intérêt au Comité Olympique, pour avoir présenté lors de JO 2012 des baskets “Joakim Noah 3.0 Le rêve olympique”, aux semelles arborant les couleurs des anneaux olympiques.
• Il ne doit pas offrir au public des cadeaux ou billets pour l’événement.
• Il doit se référer à l’événement uniquement comme un événement public, un fait d’actualité, médiatique ou historique dont tout le monde a entendu parler.
En 2008, lors du Tournoi des 6 Nations le constructeur italien Fiat a diffusé une publicité pour la Fiat 500 avec le message “France 13-Angleterre 24, La Fiat 500 félicite l’Angleterre pour sa victoire et donne rendez-vous à l’équipe de France le 9 mars pour France-Italie“. En 2014 les juges français n’ont pas suivi la Fédération Française de Rugby, estimant que la publicité reproduisait juste un résultat sportif d’actualité, annonçait une future rencontre (soit des informations publiques, non appropriables), Fiat ne réalisant pas d’exploitation directe illicite de cet événement.
• Il doit respecter les droits spécifiques des organisateurs sportifs :
• Il doit éviter le parasitisme (article 1240 du Code civil) qui est le fondement le plus pertinent pour lutter contre l’ambush marketing, l’ambusher cherchant effectivement à s’immiscer dans le sillage d’un tiers pour profiter, sans rien dépenser, de ses investissements ou de sa réputation. Le parasitisme implique cependant de prouver la faute, le préjudice, et le lien de causalité des deux.
Les Tribunaux apprécient généralement chaque cas d’ambush marketing, en évaluant les intérêts économiques des organisateurs et de leurs sponsors d’une part, et la liberté d’expression ou la liberté du commerce dont jouit toute entreprise d’autre part.
– Sylvie BOYER, Paralégale chez Mark & Law