Méfiez-vous du troll derrière l’appareil photo

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Les plus férus de mythologie scandinave et de légendes du Moyen-âge connaissent les trolls comme étant des créatures surnaturelles peu amicales, mais savez-vous que même les trolls ont traversé les temps et évolué dans une version 2.0, voire 3.0 ?

Oubliez la créature difforme et effrayante, le troll s’est aujourd’hui mué en un personnage bien plus banal, mais toujours aussi peu amical.

Il a diversifié ses activités et trouve aujourd’hui son bonheur grâce à la propriété intellectuelle. Et son nouveau cheval de bataille est la défense des droits d’auteur sur les photographies des agences de presse.

 

Ne vous y trompez pas, le troll conserve son esprit malin et n’est pas tant attaché à la défense des droits qu’à l’appât du gain que des usages malencontreux de photographies non libres de droits génèrent.

En effet, rappelons tout d’abord qu’une photographie, au même titre que d’autres œuvres telles que des romans, des peintures, des sculptures, peut bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur, sous réserve qu’elle soit originale.

Ainsi, il est évidemment interdit de copier ou télécharger une photographie trouvée sur Internet pour l’utiliser sur son propre site web, même s’il ne s’agit que d’illustrer un texte et même si l’usage n’est pas à but commercial, sous peine de se rendre coupable d’un acte de contrefaçon.

 

Malheureusement, même le plus vigilant des graphistes peut parfois baisser sa garde et utiliser une image qui n’est pas libre de droits.

C’est alors que nos trolls entrent en action. Grâce au développement de l’intelligence artificielle, des sociétés de recouvrement vont scanner le web pour relever les utilisations non autorisées des photographies d’agences de presse (la plupart du temps) et ensuite mettre en demeure les contrevenants de payer une indemnité au titulaire des droits.

Vous refusez de payer, c’est alors immédiatement la menace d’une procédure judiciaire qui surgit.

 

Si la démarche de préservation des droits est parfaitement légitime, il apparaît qu’en l’espèce les actions de ces sociétés de recouvrement relèvent davantage de l’abus de droit (selon les dires de l’avocat général de la CJUE lui-même) en ce qu’un montant exorbitant est demandé à titre d’indemnité et que ce dernier est étonnamment toujours fortement négociable à la baisse.

De plus, l’on peut qualifier cette pratique d’abusive en ce que l’originalité des photographies fait très souvent défaut et alors même l’existence d’une protection par le droit d’auteur également.

 

Ainsi, nous ne pouvons que vous appeler à être très vigilants quant aux contenus que vous récupérez sur Internet et à vérifier que les visuels employés sont effectivement libres de droits pour l’usage que vous souhaitez en faire.

 

Et si malgré tout vous êtes contactés par les sociétés de recouvrement en question, ne leur rendez pas le travail facile et n’hésitez pas à exiger :

  • La preuve de la titularité des droits invoqués,
  • La démonstration de l’originalité de la photographie litigieuse,

avant toute autre réaction.

Si vraiment l’œuvre en question est originale, négociez l’indemnité demandée à la baisse.

 

En conclusion, contrairement aux enseignements de la mythologie scandinave, vitesse et agressivité ne seront pas les clés du succès contre les trolls. Optez plutôt pour l’argumentation sérieuse et la négociation, cela devrait suffire à les faire fuir.

 

Philippe BOHLAND, Conseil en Propriété Industrielle et Associé chez Mark & Law