Sécheresse et appellations d’origine : La tristesse de l’épicurien

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Lorsque dans une conversation vous entendez parler de propriété intellectuelle et de réchauffement climatique, vous vous dites que vous ne voyez pas le rapport. Et pourtant !

Le lien entre les deux sujets existe bien et le second peut fortement impacter le premier.

L’exemple le plus flagrant nous est donné par l’été que nous venons de passer, un été exceptionnellement chaud ayant provoqué une sécheresse longue, s’étant poursuivie jusqu’en automne. Cela a notamment eu un impact sur les quantités de fruits et légumes produits et sur leur qualité, et c’est ici qu’entre en jeu la propriété intellectuelle.

En effet, nombre de nos fruits et légumes et autres spécialités régionales bénéficient d’appellations d’origines protégées (AOP) ; AOP dont l’objet est de garantir, non seulement l’origine d’un produit, mais aussi le terroir (le savoir-faire) qui est attaché. Or, pour pouvoir en bénéficier, il convient de respecter un cahier des charges, aux critères souvent très précis et très stricts, allant de la taille du fruit, à sa couleur, en passant par la qualité de sa chaire et de son jus.

La difficulté posée par le réchauffement climatique est que les sécheresses deviennent plus fréquentes, plus longues, ce qui entraine potentiellement une réduction de la taille des fruits et légumes, voire une perte ou altération de leurs qualités gustatives. Ils ne rentrent alors plus dans les critères fixés par le cahier des charges de l’appellation et ne peuvent donc plus en bénéficier.

Si le problème s’est posé de manière assez directe pour les producteurs de fruits et légumes, notamment cette année pour les Citrons de Menton et le Piment d’Espelette, le sujet touche également et même largement les producteurs de fromages. En effet, avec des pâturages asséchés que les animaux ne peuvent pas brouter, les producteurs sont parfois obligés de déplacer leurs bêtes hors de l’aire de l’appellation ou de les nourrir autrement et à l’issue du processus, le fromage ne peut alors plus bénéficier de l’AOP. C’est ainsi par exemple que des fromages d’AOP Salers ont dû basculer sous l’appellation Cantal fermier.

Si des dérogations au respect des critères des cahiers des charges des AOP peuvent exister, la solution n’est pas pérenne et l’adaptation passe alors par des modifications des cahiers des charges pour les rendre plus souples et/ou par des modifications des méthodes de production.

En ce sens, l’autre secteur touché par le dérèglement climatique, qu’est le secteur viticole, doit déjà faire face à ces aléas climatiques depuis de nombreuses années, la vigne y étant encore plus sensible.

La filière a donc déjà commencé à travailler sur l’adaptation de sa production au réchauffement climatique, afin d’y résister tout en préservant la qualité du produit.

En conclusion, si la propriété intellectuelle peut s’adapter aux changements climatiques pour permettre aux producteurs de tous secteurs de continuer à commercialiser leurs produits sans rogner sur la qualité, la seule solution reste d’agir contre le réchauffement climatique pour préserver les produits et appellations qui font la fierté de notre pays et le bonheur de ceux qui les dégustent.

 

Philippe BOHLAND, Conseil en Propriété Industrielle et Associé chez Mark & Law