L’intelligence artificielle, au cœur de toutes les discussions, prend de plus en plus de place dans nos vies.
Cette (r)évolution technologique à la fois récente et rapide commence déjà à bouleverser nos habitudes, en devenant tantôt un outil rédactionnel et de création, tantôt un assistant personnel, tantôt une encyclopédie ayant réponse à tout et bien plus encore, mais elle s’accompagne (comme souvent) de sa part sombre.
En effet, il n’aura pas fallu longtemps pour que des personnes mal intentionnées s’en servent pour diverses escroqueries. L’utilisation qui est peut-être la plus spectaculaire et inquiétante est la création de deepfakes (ou hypertrucages pour les puristes de la langue française).
La pratique consiste à reproduire artificiellement le visage d’une personne, sa voix ou plus généralement ses traits caractéristiques, évidemment sans son consentement.
Saint Thomas s’en retournerait dans sa tombe à ne plus pouvoir croire ce qu’il voit !
Face à cette situation, l’Union européenne s’est dotée d’un outil législatif visant à imposer que les contenus générés par IA et notamment les deepfakes soient identifiés par un filigrane mentionnant qu’ils ont été générés par l’IA.
Enfreindre cette règle expose l’entreprise à une amende de 15 Millions d’Euros ou 3% de son chiffre d’affaires mondial. Ces montants sont nettement augmentés en cas de pratique interdites (ex : un deepfake ayant pour objet de manipuler le public).
Considérant cette démarche insuffisante et soucieux de protéger ses citoyens, le Danemark est allé plus loin cet été en adoptant une loi accordant aux personnes un droit d’auteur sur leur propre image, faisant de la personne elle-même une œuvre protégée du seul fait de son existence.
Ce faisant un danois pourra exercer son droit de retrait et demander la suppression du contenu non autorisé qui le vise ou encore demander une compensation financière.
Cette loi adoptée par le parlement danois renforce sans nul doute les droits des personnes face aux IA et aux utilisations malveillantes qui peuvent en être faites.
Mais alors, nous autres français, sommes-nous laissés à la merci des escrocs du web et autres usurpateurs ?
Rassurez-vous, le législateur français a, depuis longtemps et bien avant même l’arrivée de l’IA, mis en place un panel de règles protectrices de la personne, parmi lesquelles nous pouvons citer l’article 9 du Code civil garantissant le droit au respect de la vie privée, les articles 16 et suivants du même code portant sur la dignité et le respect de l’être humain, le fameux article 1240 du Code civil relatif à la responsabilité en cas de préjudice subi du fait d’un tiers et, plus précisément en matière de deepfake, la loi pénale interdisant le partage de tout contenu visuel ou audio créé par l’IA, tel que les hypertrucages, sans le consentement de la personne représentée (sanctionné par de 1 à 2 ans d’emprisonnement et par 15000 à 45000 Euros d’amende).
Cette dernière loi prévoit également le cas spécifique des deepfakes pornographiques, sanctionnés encore plus durement.
Si l’Europe n’est pas encore à la pointe des développements en matière d’IA, elle démontre cependant encore une fois sa capacité à réagir aux évolutions technologiques avec un arsenal de mesures législatives.
Et ce pays du Nord de l’Europe aura su faire mentir William Shakespeare en démontrant qu’il n’y a rien de pourri au Royaume du Danemark.
– Philippe BOHLAND, Conseil en Propriété Industrielle et Associé chez Mark & Law