Quand les « dupes » s’invitent sous le sapin

Les marques qui lavent plus vert que vert
novembre 20, 2025

En cette période de fête et de promotions, de nombreux articles sont mis en vente sur le marché à des prix cassés. Mais derrière les emballages scintillants, un phénomène s’installe poussant les marques à être de plus en plus vigilantes : les « dupes ». Ces produits inspirés ou copiés des best-sellers, accessibles et tendances, séduisent de plus en plus les consommateurs.


Qu’est-ce qu’un « dupe » ?

Le terme « dupe » vient de l’anglais duplicate, signifiant « double ». Il désigne un produit inspiré ou copié d’un autre, à la mode et tendance sur les réseaux sociaux, mais proposé à un prix inférieur.

En substance, il s’agit pour le consommateur d’obtenir un produit prétendument équivalent à un prix inférieur au produit initial. Quant au créateur du « dupe », il s’inspire ou copie le produit de référence tout en contournant d’éventuels droits de propriété intellectuelle protégeant la marque, la forme ou l’ornementation de l’article original. Il peut ainsi capitaliser sur l’image d’un produit phare, parfois en y apposant sa propre marque.

Si les parfums et la cosmétique sont particulièrement concernés, les dupes se retrouvent aujourd’hui dans de nombreux secteurs. Les marques de luxe sont les plus touchées, mais les petites entreprises ne sont pas épargnées.

Si tous les « dupes » ne constituent pas nécessairement une contrefaçon, cela n’empêche pas les entreprises de pouvoir contester les copies par d’autres moyens juridiques.

Quelques mots sur cette pratique

Apparus lors de comparaisons de parfums sur les réseaux sociaux et promus par de nombreux influenceurs, les « dupes » sont devenus un véritable phénomène.

Selon une étude réalisée en mars 2025 par C-Ways pour la Fédération des Entreprises de la Beauté (FEBEA) 31% des Français, soit près d’un Français sur trois, auraient acheté au moins un « dupe » au cours des douze derniers mois.

Pour illustrer cette tendance, voici un tour d’horizon d’exemples parlants à travers différents secteurs.

  • Le secteur des parfums, avec le La Vie est Belle de Lancôme et le Amazing Life de Figenzi :
  • Le secteur de l’alimentaire, avec les céréales Coco Pops de Kellogg’s et les céréales Choco Rice d’Aldi :

  • Le secteur des cosmétiques, avec la palette anticernes et correcteurs MAC et la palette correctrice NYX :

Quels sont les dangers des « dupes » ?

Derrière leur apparence inoffensive, les « dupes » soulèvent de nombreuses problématiques. En effet, d’un point de vue économique, les « dupes » inquiètent et entraînent une baisse de l’innovation. La fabrication de produits de mauvaise qualité nuit à l’image et aux revenus des marques sources d’inspiration.

Au niveau environnemental, ce phénomène amplifie le développement de la fast fashion et pousse à la surconsommation, générant plusieurs tonnes de déchets.

Sur le plan de la santé, nombreux sont les « dupes » qui échappent aux différents tests et normes européennes. Ces produits pouvant contenir des ingrédients toxiques et des allergènes non déclarés mettent en danger la santé des consommateurs.

Enfin, d’un point de vue éthique, le marché des « dupes » tend à favoriser le travail des enfants et financer l’exploitation humaine avec des conditions de travail difficiles dans des usines ne respectant pas les normes de sécurité, hygiène, durée légale du travail…

Que peut-on faire pour protéger ses droits de propriété intellectuelle face aux « dupes » ?

Les « dupes » ne sont pas  impossible à contrer, et plusieurs moyens peuvent être mis en œuvre pour se défendre contre cette pratique.

Premièrement, il est possible de déposer et de protéger, par un droit de propriété intellectuelle, un emballage, une forme ou un élément ornemental (Dessin & Modèle). Pour les produits originaux, une défense sur le terrain du droit d’auteur est également envisageable.

Même si les « dupes » ne sont pas toujours répréhensibles sur le terrain de la contrefaçon, ils peuvent néanmoins engager la responsabilité civile de leur créateur ou distributeur sur le fondement de la concurrence déloyale et/ou parasitisme de la marque, dès lors qu’ils tirent indûment profit de la notoriété ou des investissements du produit de référence.

Enfin, il est possible d’employer des technologies comme les puces RFID, permettant aux consommateurs de vérifier l’authenticité des produits.

Les décisions récentes mettent en lumière la manière dont la justice appréhende les produits inspirés, souvent qualifiés de « dupes ».

Dans l’arrêt du 16 octobre 2025, opposant La Rosée à Caudalie, la Cour a refusé de retenir la concurrence déloyale car les ressemblances entre les sticks solaires étaient analysées comme relevant de codes esthétiques courants du secteur, insuffisants pour caractériser un comportement fautif. L’imitation restait donc, dans le champ de l’inspiration licite.

À l’inverse, dans l’affaire Jonak c. Chanel, les juges ont considéré que la reprise des caractéristiques emblématiques des ballerines Chanel traduisait une volonté de se placer dans le sillage de la maison de couture. L’imitation devenait alors parasitaire, car elle exploitait la valeur économique attachée au modèle d’origine.

Ces deux décisions montrent que la qualification d’un « dupe » dépend avant tout du caractère distinctif des éléments repris et de la preuve d’une intention de se placer dans le sillage d’un concurrent, ce qui délimite concrètement la frontière entre inspiration légitime et imitation fautive.

Les « dupes » posent une question centrale pour la propriété intellectuelle : jusqu’où l’inspiration peut-elle aller avant de franchir les limites de la loi ? Leur présence sur le marché rappelle l’importance de l’innovation et d’une protection juridique robuste de ses investissements par des droits de propriété intellectuelle.

Julie DREVET, juriste stagiaire chez Mark & Law